Education Guinéenne : Cri de cœur du Président d’EduCetera
Combien de cadres guinéens vivent et exercent de hautes fonctions en dehors du pays ?
Combien de cadre guinéens se rendent au pays une fois par an ou une fois tous les 2 ans ?
Combien d'étudiants n'ont pas d'enseignants ?
Combien d'étudiants finissent leur cursus sans bénéficier d'une formation à niveau ?
Prenez 2 minutes et posez une équation qui prend en compte les paramètres cités ci-dessus. Analysez-la sous tous les angles et vous arriverez à la même conclusion.
Mais alors qu'est ce qui empêche chacun d'agir ? Qu'est ce qui nous empêche réellement de nous prendre en charge nous-même ? Qu’est ce qui nous empêche de prendre en charge l’avenir de notre pays ? Car, ne nous le cachons pas, nous sommes l’avenir de notre pays. Aujourd’hui, nous imputons à nos pères la situation désastreuse de notre pays. Demain, supporterons-nous les reproches de nos enfants sur notre inaction d’aujourd’hui ?
Je voudrais profiter de cette tribune pour partager mon expérience. Cette expérience a commencé en 2010, quand j’ai décidé de profiter de mes congés pour enseigner et partager mon savoir avec les étudiants guinéens, et a depuis donné naissance à plusieurs actions.
De prime à bord, il y a beaucoup d'obstacles du style :
- Comment vais-je faire ? C'est trop compliqué
- Qui vais-je contacter ?
- Mais ils ne sont pas sérieux, je n'ai pas le temps de courir derrière eux,
- etc.
Malheureusement comme toute nouvelle démarche, tant qu’on n’a pas essayé, beaucoup de choses relèvent du fantasme. En discutant avec certains, j'ai aussi entendu des arguments du style :
- J’ai envoyé un email, mais jamais eu de réponse
- Ce n'est pas à moi de faire le premier pas mais plutôt à eux car c'est eux qui ont besoin de moi
A cela je réponds simplement que si vous connaissez la Guinée, alors vous savez pertinemment que ça ne marche pas comme ça.
Me concernant, en 2010, j'ai adressé un CV et une lettre de motivation au directeur national de l'enseignement supérieur. Comme pour une recherche d'emploi (en occident), j'ai précisé mes motivations. Quelques mois plus tard j'ai été contacté par les autorités de l'université Gamal Abdel Nasser. Je vous passe les détails sur le nombre de rappels téléphonique et mail... En prenant le soin de négocier méticuleusement les termes de notre accord de collaboration, j'ai fini par dispenserun cours de gestion de projet de 45h au mois de mai 2011. Depuis, je retourne chaque année en Guinée pour partager mon savoir. Tout cela se fait bénévolement, donc sans aucune contrepartie financière.
Aujourd’hui, avec une équipe d'une trentaine de bénévoles guinéens vivant en France, aux USA et au Canada, nous continuons de mettre à profit nos séjours privés en Guinée pour enseigner, animer des séminaires et conférences dans les universités publiques. Nous nous sommes regroupé au sein d'une organisation qui s'appelle EduCetera (www.educetera.org). Pour info, nous avons même un partenariat avec l'UNESCO (Teacher task force).
Notre organisation n'est qu'un simple exemple pour prouver qu'il est possible d'apporter quelque chose aux générations futures, au moins dans le domaine de la formation. Nous avons eu la chance de bénéficier de bonnes formations à l'étranger et même d'y travailler pour certains d'entre nous ; pourquoi ne pas partager après ? Pourquoi garder notre savoir alors qu'à côte, certains de nos compatriotes en ont besoin ?
Beaucoup d'entre nous passons du temps et de l'énergie à critiquer le système en place ; ne sommes-nous pas en train de faire comme eux quant à notre savoir ? Ne nous rendons nous pas coupables de rétention d’informations ? Ne nous rendons nous pas coupables de non-assistance à nos concitoyens en ne faisant rien pour améliorer le système que nous critiquons ?
Si vous avez les moyens d'agir sur le plan de la formation, faites-le. Si vous souhaitez avoir des contacts ou être accompagné, contactez EduCetera (contact@educetera.org).
Imaginez un instant que nous arrivions ensemble à inscrire dans les habitudes, le partage de connaissance. Que le cadre guinéen qui vit et exerce en Guinée prenne un samedi sur cinq pour enseigner/former. Que le cadre guinéen qui vit à l'étranger accorde 10h de son temps (quand il y séjourne) à enseigner/former. Imaginez l'impact que cela aurait !
Je partage ces lignes avec vous en me basant sur ma propre expérience ; sur ce que je fais depuis 6 ans. Croyez-moi, c'est possible et de manière très "terre à terre". Et pas besoin d'avoir 50 ans pour le faire. Personnellement, j'ai 33 ans, alors ça reste relativement ouvert.
En espérant que ces mots aideront certains à franchir le pas, je souhaiterais rappeler que changer et faire avancer notre pays est de la responsabilité de chacun d'entre nous.
Bien à tous.
Cherif Balde.